Paĝo:Zamenhof, Dietterle - Originala Verkaro, 1929.pdf/468

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des éditeurs, et l’intérêt pécuniaire et les habitudes des adeptes qui auraient à acheter et à étudier de nouveaux livres au cas d’une réforme radicale, mais l’intérêt de la langue elle même et sa continuité, il ne faut évidemment pas que les anciens livres, qui forment une littérature si intéressante et si riche, deviennent illisibles pour les nouveaux adeptes, et qu’on soit en quelque sorte obligé de les traduire dans une langue nouvelle. Il nous semble qu’on peut donner satisfaction (plus au moins) aux réformistes les plus exigeants sans rompre cette continuité, et en introduisant simplement des néologismes facultatifs, qu’on pourra employer concurremment avec les formes actuelles, jusqu’à ce que la pratique ait décidé entre elles, et réduit les anciennes (s’il y a lieu) à l’état d’archaismes. Cette évolution ou transformation, qui dépendra de ceux qui pratiqueront la langue, pourra être aussi lente qu’on peut le souhaiter (si elle était rapide, ce serait signe que les réformes répondent à un besoin général et urgent). Pour introduire ces néologismes, on pourrait les présenter non comme des plibonigoj, mais simplement comme des formes admises dans un intérêt pratique, ou à titre d’essai: par exemple, si l’on voulait (c’est une simple hypothèse) pouvoir se passer des lettres assentuées, on devrait admettre une transcription telle, qu’elle permette de passer par des règles générales et uniformes de l’orthographe actuelle à l’orthographe nouvelle, de sorte qu’on pût utiliser les manuels et dictionnaires; et on la présenterait à peu près dans les termes suivants: „Beaucoup de nos samideanoj ayant regretté qu’on ne puisse imprimer de l’Esp. partout, dans les journaux, revues, ou dans n’importe quelle imprimerie, et ayant désiré avoir à cette fin une orthographe (ou un alphabet) „de propagande“, voici l’orthographe que nous leur recommandons d’employer, en remplaçant c par… ĝ par… etc.“. Non seulement on indiquerait pas quelles formes anciennes sont jugées moins bonnes, mais on pourrait même représenter les nouvelles comme de simples expédients, jusqu’à ce que la pratique ait prononcé entre elles. En un mot, la langue garderait sa continuité, et si elle évoluait, ce serait d’une manière insensible et d’ailleurs voulue par la majorité de ses adeptes. Les conservateurs les plus fanatiques ne pourraient pas se plaindre, puisqu’ils ne seraient nullement obligés d’adopter les „innovations“ qu’ils trouveraient inutiles, et pourraient conserver la langue „classique“ ; les réformistes seraient satisfaits, du moins dans quelque mesure, et n’auraient qu’à employer systématiquement les formes nouvelles pour les faire triompher. Aux mécontents, s’il en restait, on pourrait toujours dire: „On a examiné consciencieusement toutes les réformes proposées; on a adopté toutes celles qui étaient possibles sans rompre l’unité et la continuité de la langue; contentez-vous de ce résultat, vous êtes déjà très heureux de l’avoir obtenu“. Mais ces mécontents seraient en tout cas réduis à une infime minorité, et ils seraient noyés dans la masse des nouveaux adeptes.